Les exilés
Ce roman m’a touchée. En plein cœur.
Pourtant, dès les premières pages, je m’interrogeais. La situation, improbable : Isabelle, une femme comme il faut qui se jette à la rue, oubliant volontairement ses repères, à l’abri dans un hôtel miteux fréquenté par des migrants, des « enfantômes », ces gosses sans âge ni identité. Elle s’attache à l’un d’entre eux, Ibrahim, un petit Africain qui a choisi l’exil pour s’inventer un avenir (« Mieux valait mourir que de revenir sans avoir atteint son but »).
Méfiante, je guettais les bons sentiments et les leçons de morale.
Ma suspicion s’est volatilisée, car ce livre est un petit miracle de bonté et de pudeur. Il raconte la reconstruction de deux êtres meurtris par la vie (« Nous sommes l’un et l’autre en suspens »), le long et sinueux chemin qui les mène au bonheur. Qui est le pygmalion de l’autre ? Où l’amour se loge-t-il ?
Par petites touches et sans misérabilisme, Maïa Kanaan-Macaux, évoque le terrible périple d’Ibrahim (pages 76-80, 94-96) et l’amère découverte de cette terre promise à d’autres que lui. L’administration est cynique, elle est aveugle au désespoir (p101), comme si le malheur n’avait plus de visage (« Personne ne quitte sa maison à moins que sa maison ne soit la gueule d’un requin »).
Avec tact, l’auteure nous introduit dans l’intimité du drame d’Isabelle (exemples : pages 145 et 158), insinue que toutes les souffrances se valent, qu’elles n’ont pas besoin d’un acte de naissance ou d’un passeport pour nous émouvoir.
Alors oui, il y aura bien des grognons pour déplorer ce beau final et douter de ces personnages, parfaits jusque dans leurs fragilités. Peu importe, quelquefois, il faut savoir baisser la garde et laisser couler ses larmes.
Bilan : 🌹🌹