Les impatientes
Avec ce roman, vous allez voir ce qui se passe à l’intérieur d’un foyer musulman où prévaut la polygamie. Dans la vraie vie, c’est presqu’impossible. Un étranger ne franchira jamais l’enceinte de la « concession » où l’homme a rassemblé ses coépouses pour mieux les surveiller. Tradition et patriarcat font loi. Une jeune fille n’a d’autre espoir que de faire un mariage décent. Elle doit renoncer à l’instruction et à l’amour (quel amour ? « Une femme heureuse se reconnaît à ses voyages à la Mecque et à Dubaï »), car se marier avec l’homme qu’on aime, « c’est une idée de blanc ». Sitôt sa jeunesse évanouie, après de multiples grossesses, la première épouse doit accepter la venue d’une jolie vierge qui lui ravira les faveurs de son mari. S’engage alors une lutte sans pitié entre les rivales. Ce livre en raconte cette affreuse réalité au quotidien. Tous les moyens sont bons pour se nuire, du maraboutage jusqu’à l’invocation d’Allah, dans les cas de force majeur. Comment ces femmes supportent-elles ces tensions ? En usant de patience (« munyal »), le seul remède possible, d’après leur famille.
« Les impatientes » (il y en a…) permet de se familiariser avec cette culture. A défaut de la comprendre, on a de l’empathie pour ces femmes asservies et combatives. On s’interroge, aussi. J’en veux pour preuve la discussion que j’avais eue avec une vieille Émiratie qui avait épousé son mari très jeune, qui avait appris à l’aimer et dont la coépouse était devenue son amie. Elle m’avait fait cette réflexion pleine de malice : « est-ce que c’est pire qu’un mari qui te trompe après quelques années de mariage ? » Notre débat passionné reste un de mes meilleurs souvenirs d’échange « interculturel ».
Un livre fort intéressant donc, qui fait réfléchir et voyager. Un seul regret : l’usage incessant du mot patience (ou munyal), concept central de cette histoire mais, il en faut… de la patience… pour le lire autant de fois en si peu de pages.
Entre nous, je ne suis pas certaine que, du point de vue littéraire, ce livre ait sa place dans la short-liste du Goncourt. Mais c'est rafraîchissant. La question est plutôt de savoir pourquoi Laurent Mauvignier n'y est pas.
Bilan : 🌹🌹