Arène
Négar Djavadi est scénariste, cela se reconnaît à son style et à sa manière de raconter son histoire, par séquences de quelques pages, haletantes comme les épisodes d’une série à succès. Et comme dans une série, les personnages sont forts, façonnés pour susciter l’intérêt et l’empathie, toujours à la limite de l’archétype. Consciente du danger, l’auteure prend des risques (ex : un activiste musulman pakistanais métis célèbre en France. Probable ?) et certaines libertés avec les lieux (elle nous avertit en préface) pour ne pas faire de son roman un reportage in vivo (ou « in vitro »).
La vie, son livre n’en manque pas. C’est même sa qualité principale. Le rythme est soutenu, les dialogues sont réalistes, les formules alertes. On ne s’ennuie jamais. Négar Djavadi emprunte à la littérature nord-américaine contemporaine (elle doit aimer Wolfe, Atwood, Tartt et Safran Foer) sa capacité à tendre vers l’universel, sans accaparer le lecteur avec des considérations trop nombrilistes (fréquentes sous nos latitudes).
J’aime les écrivains « binationaux » de son acabit (voir aussi Slimani, Appanah ou Yargekov). Quand ils parlent des étrangers (disons d’altérité), leur voix s’élève plus juste et plus sincère.
« Arène », c’est le choc des classes, de ces Parisiens issus de l’immigration et décidés à réussir, à gagner leur place dans la jungle moderne. C’est un règlement de comptes (Twitter, Insta… évidemment) made in Belleville, un Far-Est. Les portables y remplacent les armes à feu, les tweets les munitions. Mais encore plus qu’à Marx, c’est à Guy Debord et sa « Société du spectacle » qu’il faut s’intéresser. Tous dans l’arène, que le sang coule et que le spectacle nous tienne en haleine !
Un très bon moment de lecture avec, en primes, de belles anecdotes sur Paris (ex : p162) ou sur le cinéma (ex : p273).
Bilan : 🌹🌹