Beyrouth entre parenthèses
L’histoire, c’est quand les hommes violent la géographie. Parce que des deux côtés de la frontière entre le Liban et Israël, près de Metulla, les oliviers sont identiques, le miel a le même goût et quand les hommes veulent s’insulter ils disent « kess emek » (la chatte à ta mère). C’est d’ailleurs le nom d’un projet de l’auteur, photographe, qui s’était mis en tête de mêler les visages de deux familles, l’une arabe, l’autre juive, pour montrer que, bordel de merde, ils sont tous sémites.
De ces images, et de toutes les autres, il devra rendre compte à l’aéroport Ben Gourion, dans la salle d’interrogatoire, face à la douanière qui lui demande des centaines de fois qui sont ses ancêtres et d’où il vient.
« D’où je viens ? » demande Sabyl Ghoussoub. Elle est bien là, la question. Je suis suif, libanais, palestinien, chrétien maronite, j’habite cette terre de mes accents et de mes doutes, et je n’ai aucune envie de trancher, car vos haines ne me concernent pas. Ma grande aspiration c’est, selon l’expression populaire, devenir un mec qui boit de l’arak sous son arbre. Pas de vieilles rancunes, pas de politique. À l’image de cette nouvelle génération que le récit des guerres du passé a lassée.
Pour aimer ce livre, il faut avoir été touché par des films comme « Valse avec Bachir », « Incendies » ou plus récemment « l’insulte », bref ressentir le déchirement des Libanais, prisonniers de leurs compromis, et en éprouver une profonde empathie. J’ai eu la chance d’assister à un mariage chrétien maronite à Beyrouth, il y a quelques années. Messe catholique en arabe, arak sous les oliviers et musique de Bachar Mar-Khalifé. Inoubliable. Ce sont peut-être ces souvenirs que « Beyrouth entre parenthèses » a réveillés en moi.
Bilan : 🌹🌹