Les autres américains
Comme disait Howard Zinn : « Tant que les lapins n’auront pas d’historiens, l’histoire sera racontée par les chasseurs ». Laïla Lalami n’est pas historienne, elle est romancière, et c’est préférable. La fiction s’autorise des propos qu’une science humaine mettra des siècles à valider. Entre temps, la justice a pris la cause des méchants.
« Les autres américains » arrive à un moment opportun, en plein questionnement identitaire. Cette Amérique qui donne sa chance à l’individualité, surtout si elle est blanche. Cette Amérique désormais incapable d’étouffer la voix des plus racistes.
Nora est d’origine marocaine et sa couleur de peau est beaucoup trop sombre pour le petit bled de Californie où ses parents ont tenté leur chance. Au mieux, on la confond avec une mexicaine, au pire, elle se fait traiter de « tête à torchon », surtout après les évènements du 11 septembre, cette date fatidique pour tous les musulmans paisiblement installés aux USA. Cela m’a rappelé le très beau film pakistanais, « Khuda Kay Liye », dans lequel un musicien est dénoncé par un voisin suspicieux.
Le roman est choral et pour une fois ce n’est pas un artifice narratif, c’est une nécessité, car il faut écouter la voix de tous les protagonistes pour comprendre pourquoi le père de Nora se fait renverser devant le restaurant qu’il a mis une vie d’immigré à bâtir. Dans cette petite ville à la « American Beauty » (gens de couleur en plus), névroses et jalousies sont les révélateurs d’un pays divisé. Laïla Lalami excelle dans leur description (exemples, pages 54, 209, 261, 456) et résume par une question la difficulté de vivre aux USA quand on est pas WASP : quelle est ma place ?
Bilan : 🌹🌹