Tous les hommes du roi
Quel roman !
Si l’une des œuvres de fiction suivantes vous a déjà conquis, alors « Tous les hommes du roi » (Prix Pulitzer 1947) est pour vous : Gatsby le magnifique, Citizen Kane, Il était une fois en Amérique, L’homme qui voulut être roi… Il y a même à parier que les créateurs du machiavélique « House of Cards » se sont inspirés de Robert Penn Warren.
Le sujet principal du livre est l’ambition, cette prétention bien ordonnée qui naît dans le cerveau d’un homme, aussi bouseux soit-il – c’est le cas de notre homme, Willie Stark. Son bras droit, Jack Burden, raconte son histoire, celle d’un homme venu de nulle part qui - thématique bien américaine – arrive au sommet. Par la voix de Burden, l’auteur montre qu’avec la meilleure volonté du monde, il est impossible d’accéder au pouvoir sans se salir les mains. Le vice et la vertu sont des frères jumeaux issus d’un même spasme. Tôt ou tard, ils se rejoignent et bien téméraire celui qui les distinguera, au risque de subordonner la morale et de la voir se retourner contre lui. Personne n’en réchappe. « L’homme est conçu dans le péché et élevé dans la corruption, il ne fait que passer de la puanteur des couches à la pestilence du linceul. Il y a toujours quelque chose ». À tout moment, on peut trébucher : « Pour quelles raisons, en dehors du péché originel, un homme peut-il s’écarter du droit chemin ? Je répondis : l’ambition, l’amour, la peur, l’argent ».
Je n’ai pas trouvé ce roman cynique parce que l’idéalisme, pour autant volatile, est omniprésent, que l’abject est tenu à distance respectable du lecteur et que l’ambition n’est pas intrinsèquement destructrice.
La précision des portraits et des paysages est à tomber par terre (ex : p11, p350). La profondeur des réflexions (ex : p20, p340), la justesse et la drôlerie des images (ex : « Elle se figea comme si son porte-jarretelles avait lâché en plein milieu de la messe ») m’ont conquise.
Encore un roman bestial et magistral réédité par Monsieur Toussaint Louverture, qui m’avait déjà régalée avec « Karoo » dans la même collection « Les grands animaux ».
Bilan :🌹🌹🌹