La rue
La rue est une impasse. À propos de « la rue ». Dans l’Harlem impitoyable de l’après-guerre, Lutie Johnson a pour elle son physique remarquable. Telle une rose sur un tas de fumier, elle attire les convoitises d’un bestiaire mal intentionné. Vertueuse, travailleuse et dotée d’un talent de chanteuse qui pourrait changer sa vie, elle se heurte au plafond de verre de sa beauté et de sa couleur de peau. Tous les hommes qui l’entourent, qu’ils soient concierge, producteur ou musicien, la considèrent comme une proie potentielle. Consciente des dangers qui la menacent, Lutie leur tient tête, alors qu’il suffirait de céder à leurs avances pour améliorer son ordinaire, comme font toutes les petites jeunes de la rue. Écrit dans les années quarante par une écrivaine afro-américaine, ce romà est l’implacable démonstration que le pauvre reste pauvre, que l’ascenseur social est souvent en panne, surtout quand on est noir dans une Amérique dominée par les blancs. L’argent règne en maître, tous les protagonistes du livre en sont les esclaves consentants. Ann Petry fustige cette Amérique vouée au culte de l’argent. Une Amérique qui, depuis sa création, nous vend son rêve de « quand on veut, on peut ». Lutie voulait poutant, mais la rue ne l’a pas laissée faire. Aucune issue possible, sinon le sacrifice.
Bilan : 🌹🌹