Attaquer la terre et le soleil
La France décide d’occuper des terres qui ne lui appartiennent pas. Pour y parvenir, elle joue du soc et du sabre, mais le goupillon n’est jamais loin.
Le roman s’articule autour de ceux qui travaillent la terre (chapitres intitulés « Rude besogne ») et ceux qui la saccagent (« Bain de sang »).
Les premiers s’épuisent à sarcler, encerclés par les autochtones, harcelés par les bêtes sauvages, le soleil et les maladies féroces. Incrédules, implorant « Sainte Mère de Dieu », ils interrogent leurs souffrances. Rien à faire, le bois sert autant à construire leurs cercueils qu’à bâtir leurs greniers à blé.
Les seconds étripent avec la bénédiction de la République (p38) car « la France a pour mission de pacifier vos terres de Berbères, d’offrir à vos cervelles incultes les ors d’une culture millénaire ». Ils décapitent les hommes, ils violent les femmes. Quand il faut justifier les massacres, les religions s’égalent ; les Croisades en furent l’exemple (relire Maalouf). C’est fou ce que l’homme se permet, au nom de Dieu. « Nous ne sommes pas des anges » proclament les uniformes, les petits Custer du désert dressés sur leurs chevaux fumant mais bon, à la guerre comme à la guerre (pages 75, 114).
Pourtant le doute s’installe chez les colons : « tu crois qu’on vivra un jour en paix ? » Combien de fils et de frères devront-ils enterrer pour comprendre leur méprise.
Avec un récit vivant et truculent, rythmé par le vent et les razzias, Mathieu Belezi montre, par les seules atrocités qu’il expose, en quoi l’entreprise coloniale est vouée à l’échec. Il s’agit ici d’Algérie mais le même texte, à quelques palmiers près, pourrait s’appliquer à d’autres fragments d’Empire, à d’autres folies conquérantes.
Bilan :🌹🌹🌹