La végétarienne
Aucune trace d’amour dans cette famille.
Tout ça parce que Yōnghye refuse de s’alimenter du jour au lendemain.
Mange ! Lui hurle son mari.
Mange ! Lui ordonne son père.
Pourquoi ne manges-tu pas ? s’inquiète sa sœur aînée.
Comment ne pas voir dans ces postures la critique de la société de consommation (absorber toujours plus) et du patriarcat (les hommes imposent leur loi) ?
Il y a aussi dans ce roman la nostalgie d’une nature bienveillante, jusque dans la peinture des corps des amants qui symbolise le retour à l’état originel. Mais point de sororité. Inghye agit par sens du devoir et non pour honorer le lien du sang qui l’unit à sa sœur, dont l’esprit est empoisonné par des rêves toxiques qui la conduisent à l’anorexie, au refus d’elle-même - une passerelle vers la mort.
Ce roman a indéniablement une identité coréenne. On y retrouve l’ambiguïté, la sensualité et la violence propres à ces œuvres, comme dans un film de Bong Joon Ho (Parasite), de Park Chan-Wook (Mademoiselle) ou de Kim Ki-Duk (l’île).
Je n’oublierai jamais les scènes du déjeuner familial (p51), du tournage de la vidéo (p104) et de la confrontation des sœurs à l’hôpital psychiatrique (p183).
Han Kang, Prix Nobel 2024, est une grande romancière parce qu’elle sonde l’âme avec minutie et qu’elle sait traduire l’indicible et l’inavouable.
« La végétarienne » est un livre qui ne s’oublie pas.
Appréciation : 🌹🌹🌹