Le métier de mourir
Dans « L’Exposition coloniale », Erik Orsenna disait que les hommes partaient à la guerre pour parler des femmes sans être dérangés. Entre autres. Le vieux Belleface, ancien légionnaire fidèle à Tsahal et le jeune Favrier, engagé dans l’ALS par curiosité et par conviction, font face à cette menace qui les harcelle de sa présence fantôme. Dès le début, on ne peut s’empêcher de penser au « Désert des tartares » de Buzzati, que l’auteur citera finalement page 162.
Il y a l’attente, cet ennemi qui tarde à venir et l’inévitable grand point d’interrogation : mais qu’est-ce qu’on fout là ? Si la réponse de Favrier est peu convaincante (être maître de son existence ?), celle de Belleface est limpide : faire la guerre, ça empêche de vieillir lamentablement, ça donne un sens à la mort, et donc à la vie. Et de s’appuyer sur L’Écclésiaste pour étayer son propos. Je veux bien que le Levant soit le berceau des religions monothéistes mais la référence à la bible est trop systématique – comme une caution.
Ceux qui méconnaissent la guerre du Liban apprendront des choses. Pour les autres, certaines pages seront d’insupportables leçons de géopolitique « a posteriori ». Un exemple ? L’auteur affirme qu’en 1985, le Hezbollah s’annonçait comme une force pleine d’avenir. C’est vite écrit. Si « le parti de dieu » a été pris au sérieux dès 1983 (notamment après l’attentat du « Drakkar » à Beyrouth), il est alors impossible de lui prédire son destin actuel.
Quant à l’intrigue… Même si l’histoire s’inspire d’un personnage existant, les incroyables évènements dont Belleface est l’acteur paraissent moins crédibles/ancrés que ceux d’Incendies de Wajdi Mouawad – par exemple.
C’est un livre pour les garçons, avec un peu de réflexion, des cigarettes qu’on fume et des faits de guerre qu’on se raconte en bombant le torse. Un roman qui veut cocher toutes les cases, mais c’est un peu trop voyant.
Bilan : 🔪