Impossible
Un face à face à couteaux tirés entre un criminel présumé et le magistrat qui a la charge de lui soutirer des aveux. On aurait tort de penser que l’intérêt de ce roman se limite au jeu de dupes qui les oppose. La confrontation entre le vieux militant de gauche et le jeune magistrat permet à Erri De Luca de jauger notre époque, de la comparer à un temps où l’engagement, la foi et la conscience collective l’emportaient sur l’ambition individuelle.
Le magistrat fait non seulement le procès d’un homme, il fait le procès de ces terribles années de plomb (en Italie) auxquelles l’accusé a fièrement et activement participé. Années de plomb, poids sur la conscience, lourd secret et cette idée de la justice qui vacille sur la balance de leurs arguments respectifs. Le lecteur est spectateur, pèse le pour et le contre, incapable de départager le représentant de l’état du coupable devenu victime d’un système inégalitaire.
La philosophie du héros illustre également les accusations d’Erri De Luca à l’encontre de notre société contemporaine. Il fait l’éloge de l’inutile (les marches en montagne en sont le symbole), il fuit une société matérialiste dans laquelle il ne se reconnaît plus. C’est d’autant plus douloureux qu’il a sacrifié sa vie pour la changer. Il l’avoue, il est devenu misanthrope, c’est parmi les bêtes qu’il se reconnaît : « j’admire les animaux parce qu’ils réduisent au minimum leur prétention à l’originalité ».
Un livre qui se lit très bien et qui fait réfléchir. Au moins deux raisons de l’acquérir.
Bilan : 🌹🌹