Sa préférée
Le sujet – surtout pour un premier roman – n’est pas original : une enfance meurtrie, un austère village de montagne, un père abusif, une plaie qui jamais ne cicatrise. Pourtant, Sarah Jollien-Fardel nous livre son histoire avec justesse, élégance et pudeur.
Jeanne ne peut se débarrasser de la menace du père (« Il a confisqué toutes nos allégresses. Il a massacré toutes nos jouissances »). Il a pourri son quotidien au point de rendre insupportables les gestes les plus anodins (« J’étais verrouillée, sans accès aux plaisirs, sauf celui de nager que j’avais découvert loin de mon père. Tout le reste confluait vers lui »). Le médecin de famille, lâche, a gardé le silence. Sa mère s’esquive et réussit, in extremis, à l’envoyer en pension, à distance raisonnable de ce foyer toxique.
C’est le début d’une renaissance, entre les bras de Charlotte la privilégiée (page jouissive p69) auprès de laquelle elle ressent la différence de classe (« On avait beau lutter. Charlotte disait toujours « zut » et moi toujours « putain ») et puis Marine, tendre et disponible par nature. La compagnie des femmes l’apaise et la rassure (« mon Homosexualité était un choix de douleur, celui du rejet affectif de ceux dont j’aurais voulu simplement être aimée »).
Le vieillissement du père coïncide avec la découverte de Paul, qui l’initie à l’amour d’un homme (magnifiques pages 120 et 145).
En côtoyant ces êtres, elle mesure ses manques et ses absences : « (…) Mes parents auraient dû me donner une identité. La mienne, je l’ai créée, pleine de haine et de pourriture »).
« Sa préférée » (quel beau titre !) est un premier roman très réussi.
Bilan :🌹🌹