Vivre vite
Motopsie d’un drame intime.
Brigitte Giraud revient sur les circonstances du décès prématuré de son compagnon. Elle mène sa réflexion comme une enquête, disséquant les hypothèses, ne laissant rien au hasard, dénudant les évidences, étudiant chaque détail de sa vie avant l’accident. Et si ? C’est le leitmotiv du roman. Et si elle n’avait pas acheté cette maison ? Et si elle n’avait pas laissé mettre la Honda 900 CBR Fireblade de son frère dans son garage ? Et si l’Union Européenne avait interdit la commercialisation de ce tombeau roulant ?
On se perd en conjectures, en désespoir de causes. Quoi de plus naturel et révoltant ? La mort d’un proche est inacceptable. Il faut un coupable, même s’il est imaginaire ou dérisoire, la malchance, ce grain de sable insignifiant qui dévie le paisible cours de l’existence.
Le roman fonctionne parce qu’on s’identifie à la narratrice. On a tous vécu une anomalie du destin et on s’est tous demandé ce qui avait pu la provoquer, en exhumant nos souvenirs, nos peurs et nos hésitations.
« Vivre vite », c’est aussi un clin d’œil à une époque révolue (« Le bonheur tenait à ce désir qu’on éprouvait et que l’attente aiguisait. Le bonheur, c’était le peu, c’était le rare »).
« Vivre vite », c’est un écho au titre de Lou Reed et à Claude – le défunt - amoureux du rock et de la narratrice.
Je sais, j’abuse de « c’est », un peu comme l’auteure, d’où mes réserves sur la place de ce livre dans cette rentrée littéraire.
« Vivre vite » est un bon Flammarion (c’est suffisamment rare pour être souligné) mais de là à en faire un Prix Goncourt, je suis perplexe. Je n’attiserai pas la polémique des sélections. Je préfère m’en tenir à la grâce de ce roman, porté par la sincérité et la justesse (ex : p17, 45, 114, 171) de son auteure.
Bilan :🌹🌹