Tenir sa langue
Le titre du roman « Tenir sa langue » est parfait. Pour résumer l’histoire d’une jeune fille qui cherche ses mots, apprend à se taire et revendique le droit de récupérer son prénom de naissance… On ne pouvait pas faire mieux.
Bravo, ça nous change des titres sans originalité qui contiennent au moins l’un des mots suivants (vérifiez par vous-même, c’est édifiant) : monde, loup, rouge, amour, nuit, homme, vivre, fille, chien, Dieu…
Pauline veut redevenir Polina mais se heurte au mur de l’administration française qui « ne voit pas pourquoi on devrait porter le nom qu’on a reçu de ses parents plutôt que celui offert par la République ». On lui fait comprendre qu’un prénom français, c’est le summum de l’intégration. Pauline voit les choses autrement. Ses ancêtres ont changé de nom pour échapper aux dangers. S’appeler à nouveau Polina, c’est être sereine, ne plus avoir peur.
Vivre entre deux patries, c’est nager au milieu du fleuve et ne pas savoir sur quelle rive accoster. Pauline et sa famille s’installent à Saint-Étienne. On sourit à chacun de ses premiers pas, que ce soit en mangeant sa première raclette (p58), en arrivant à la maternelle (p60-68) on en interprétant les comptines (p88). Son regard innocent d’étrangère remet en perspective notre quotidien.
Son apprentissage de la langue est pavé d’embûches. Elle mélange les langues (p108) ou s’inquiète de perdre son accent russe (p122). L’auteur en parle avec justesse.
J’ai été moins convaincue par le récit de ses passages intermittents en Russie, très personnels mais plus ennuyeux, à l’exception des négociations avant l’enterrement du grand-père (p172). Typique !
Bilan : 🌹