Les gens de Bilbao naissent où ils veulent
Un très bon premier roman.
Ça partait pourtant mal. Comme les deux tiers des néo-romanciers, Maria Larrea a choisi de parler de sa jeunesse et de sa quête identitaire. Exercice périlleux qui présente un seul avantage : on ne risque pas le plagiat.
L’auteure s’en est remarquablement sortie. Elle a trouvé une texture originale, une mélodie qui vous emporte dès les premières pages.
Dans la famille de Maria, on naît au mauvais endroit pour de mauvaises raisons. Un coït, rétribué ou non, c’est un peu court pour s’inventer une vie. Il reste quoi ? Bilbao ? Un port d’attache, un détour, une excuse, rien qui ne permette d’arrimer son destin. Alors Maria s’accroche aux signes, aux indices, à ses malaises étrangers.
Ce qu’elle découvre la déracine, la décompose. En Espagne, dans les années 70, on avait trouvé une combine lucrative pour soulager les jeunes femmes tombées enceintes et satisfaire le désir d’enfant des couples stériles. De ce trafic sont nés tant de bonheurs usurpés.
La langue de Maria Larrea est fluide, sans complexe, parfois inventive, pas totalement lâchée (au prochain roman ?) À noter les remarquables pages sur la première tauromachie de Victoria (p85) ou celles sur l’émotion des retrouvailles (p200). Merci d’avoir cité le cinéaste Alejando Jodorowski, auteur de la plus belle citation possible sur l’audace et la créativité : « celui qui naît dans une cage pense que voler est une maladie ». Tout aussi éclairante, celle de Jeanette Winterson, tête pensante du personnage principal : « We can change the story because we are the story ». En écrivant ce roman, Maria Larrea se réinvente, et c’est une réussite.
Deux petits bémols : la répétition de certaines tournures comme « faux air » qui revient trois fois en quelques pages (Grasset, faites votre boulot, merci) ; l’épilogue, qui n’apporte rien.
Bilan : 🌹🌹