L'autre moitié du monde
Je préfère les professeures de lettres qui écrivent des romans aux auteures qui font profession de littérature. Les premières semblent guider par un feu intérieur, une vive sincérité, une joie d’écrire incomparable. Laurine Roux en est un brillant exemple.
L’histoire est belle. Sur fond de guerre d’Espagne, dans le delta de l’Èbre, la jeune Toya découvre, avec une même fureur, l’amour et la mort. Dans les rizières, le dos courbé, les paysans rêvent d’un monde qui change, où les privilèges sont abolis et la dignité restaurée. L’espoir devient un combat qui mérite tous les sacrifices.
J’ai aimé le style, un flot interrompu, une coulée de lave qui embrase le récit. C’est animal et sensuel (ex : pages 24, 52, 103, 239), le cœur fait corps avec l’âme.
J’ai aimé les personnages. Toya bien-sûr, qui a tout d’une « badass », impulsive, audacieuse, avec un fort tempérament (« Les filles sans caractère se font manger »). Son amoureux, l’instituteur Horacio, l’alter-ego masculin de l’auteure. Sa mère, Pilar, dont le martyr est un vibrant hommage à la condition féminine.
C’est d’ailleurs une des qualités de ce roman : aborder des thèmes forts (lutte des classes, féminisme, maternité, engagement en Ukraine, racines) par le truchement du récit, mais sans jamais donner de leçons.
Je suis grée à l’auteure de ne pas avoir exécuté de pirouettes narratives (je pense au destin de Luz) et de donner toute sa place à l’imagination du lecteur.
J’ai lu « L’autre moitié du monde » à perdre haleine, emportée par son souffle chaud et puissant. Caliente.
Bilan : 🌹🌹