Le mage du Kremlin
Comment un obscur espion du KGB est-il devenu le tsar, le nouveau maître de la Russie ? Vous le saurez en lisant le roman de Giuliano Da Empoli.
Pour expliquer la fulgurante ascension de Vladimir Poutine, il faut étudier en profondeur la mécanique du pouvoir russe, violente et cynique.
Poutine avait été sous-estimé autant par ceux qui l’ont installé sur le trône que par un Occident trop confiant. Or Poutine était d’autant plus déterminé à combattre la logique capitaliste qu’il en détestait ses promoteurs. L’émancipation des années 90 l’a exaspéré. Elle a fait de la Russie une marionnette à portée de main des Américains. Clinton qui s’esclaffe aux côtés d’un Eltsine bourré en est le douloureux symbole. Ça, Poutine, ancien artificier de la guerre froide, ne l’a jamais accepté.
En Russie, rien ne change depuis des siècles : le pouvoir est brutal et se moque de l’argent (p49). Poutine a emprisonné Khodorkovski sans hésiter. Qui oserait passer les menottes à Musk ou Zuckerberg ? S’il n’y avait que cela. L’auteur évoque les faux attentats islamistes de Moscou, le groupe Wagner, le piratage des réseaux sociaux, les faux suicides, les assassinats… Un art consommé d’introduire la peur et le chaos pour apparaître comme le seul recours possible. À cet égard, ses démonstrations de judo et son exercice du soft power (CDM 2018) paraissent dérisoires.
Un livre fascinant qui illustre comment l’histoire de la Russie, la psyché de son peuple et l’ambition d’un homme féroce et mystérieux ont précipité le monde dans le conflit ukrainien. Son seul petit défaut est de flirter, par instants, avec ce dont l’auteur s’est fait la spécialité : l’essai.
Bilan : 🌹🌹