Une république lumineuse
Un très bon livre !
L’enfant est-il innocent par nature ? Voilà le dilemme auquel est confrontée la petite ville de San Cristobál où trente-deux gamins ont saccagé un supermarché, tuant deux grandes personnes par la même occasion. Répondre oui, c’est semer le trouble dans les consciences, remettre en question le principe de l’éducation qui voit dans l’enfant un être pur à modeler. Répondre non, c’est en faire des adultes, s’autoriser les pires extrémités et perdre ainsi son humanité. Ignorant la réponse, les protagonistes de cette histoire sont incapables d’imaginer la réaction la mieux adaptée. Avec cette tragédie, Andrés Barba revisite l’affrontement nature-culture, convoque en ordre dispersé Rousseau, Voltaire et tous ceux (Golding, Defoe, Tournier, Kipling, Burroughs) qui se sont demandé ce que l’homme deviendrait s’il n’était pas élevé par ses semblables, sans repères, livré à lui-même, n’ayant pour référent qu’un environnement vierge de civilisation. Andrés Barba interroge aussi : « l’homme a humanisé systématiquement ce qu’il ne pouvait pas comprendre, des planètes jusqu’aux atomes ».
Tout aussi intéressants, les états d’âme du narrateur, le jeune fonctionnaire qui se retrouve en première ligne. La chienne errante qu’il manque d’écraser au début du roman, la fille de sa compagne qui se dérobe à son empathie, le monstre invisible de ses peurs et de ses fantasmes… tout le ramène au perturbant mystère de ces gosses indomptés, si déterminés dans leur désir de liberté qu’ils ébaucheront leur propre société (avec sa langue et ses codes).
À lire d’urgence. Une fois de plus, le salut du roman vient de l’étranger.
Bilan : 🌹🌹🌹