Thésée, sa vie nouvelle
Une expérience inoubliable ! J’ai eu le sentiment de voyager en compagnie des Parques, de voir la mort défiler sur l’écheveau, d’être témoin d’un dialogue intime entre l’auteur et Atropos. Pourquoi as-tu coupé le fil de leurs vies ? Comment puis-je me retenir à l’existence que tu me concèdes ? Quel lien peut-il y avoir entre mon mal être et le funeste destin de ma lignée ? Thésée souffre, corps et âme. Il ne peut s’y résoudre : la douleur des anciens l’empêche d’avancer.
Un atavisme les condamne tous dans la famille, une blessure secrète à laquelle il tente d’échapper en allant vers l’est, quittant sa langue et son pays. Une fuite en avant pour ne pas regarder le passé en face. En vain. Il est rattrapé par l’Histoire (ce maudit vingtième siècle), et par toutes ces histoires enfouies dans l’inconscient familial, le déni de judéité, l’Allemagne en minotaure, les mensonges du progrès, le rêve d’une France belle et universelle.
Pour survivre, il fouille les albums, il interroge les tombes. Il lui faudra toucher la vérité de ses chers disparus, son frère d’armes dont il n’a pas vu les larmes, ses parents ivres de réussites économiques et sociales. Lui sera tout le contraire : « surtout ne pas faire carrière, être un homme d’intérieur, savoir faire cuire les œufs et changer les couches, se tenir au plus près des petits détails de l’existence ». Juger ses aînés, pointer leurs erreurs, railler leurs illusions, c’est le commencement de sa guérison, de son retour à la vie.
Il en a douté, tous ces lieux, toutes ces dates… ce ne sont que des occurrences, des coïncidences ! Il devra se faire une raison : les traumas traversent les générations. Il paraît même que c’est une science, l’épigénétique.
Ce livre, d’une rare beauté, se gravera dans ma mémoire.
Bilan : 🌹🌹