Black Manoo
Une femme floue fait l’avion par terre. Traduction : une femme pas très jolie est complètement ivre. J’ai toujours adoré la manière dont les Africains réinventent la langue française. De ces trouvailles, Black Manoo est truffé. Les agents de la RATP sont appelés les « Cetelem » parce qu’ils sont verts. Les putes chinoises qui font des passes à 30 euros sont des « tlenteulos ». On cuisine le poulet bicyclette (poulet élevé à l’air libre et non en cage) de toutes les manières mais la spécialité de Black Manoo reste le cou-cravate (cou de poulet avec une patte dedans…)
Black Manoo est une figure de la communauté africaine de Paris, là où les Ghanéens se moquent des Nigérians et réciproquement mais pourvu qu’un blanc passe par là, et la fierté noire calme les esprits batailleurs. C’est bien de se mélanger, de ne pas trop se regarder le nombril. Black Manoo leur a dit : « faut pas trop rester entre vous, sinon vous devenez cons ». Black Manoo vent de la drogue, ouvre un restaurant, fait le jardinier, pardon le paysagiste (parce que les métiers « ier », ça pue la misère). Bref, il se débrouille. Il y a les femmes qu’il séduit et celles qu’il entretient. Des femmes qui en bavent après des grossesses à répétition (« Ses années de nécessité ont enterré toute légèreté, habillé l’urgence en modèle ») mais qui ne perdent jamais leur sourire. Elles portent la culotte et le squat à bout de bras boudinés.
Entre combines et maraboutages, la vie de Black Manoo, le gentleman de Cocody, se termine dans la douleur parce que la morphine n’a pas d’effet sur les camés. Le crabe l’emporte. Les lettres d’adieu à ses amis sont émouvantes, comme un dernier rappel de ces acteurs hauts en couleurs qui font la chair et le ciment de ce roman foutraque.
Bilan : 🌹