Le grand vertige
L’accumulation des ressources a façonné l’histoire du monde : le charbon au XIXième siècle et le pétrole au XXième (une magnifique épopée racontée pages 137-154 – ça vaut « La face cachée du pétrole » d’Éric Laurent). Et au XXIième ? Le lithium ! La Bolivie peut commencer à trembler (Elon Musk a dit qu’il était prêt au coup d’état, si nécessaire). Il faut présager le pire car un des grands enjeux de demain, c’est l’exploitation et le stockage de l’énergie « propre ». Pierre Ducrozet pose la question avec son roman : les hommes joindront-ils leurs forces pour garantir l’avenir du plus grand nombre ? Votre tendance à répondre oui ou non déterminera votre caractère : optimiste ou pessimiste.
Mais à la lecture du Grand Vertige, on verra le verre à moitié vide. L’appât du gain freine les ardeurs écologiques. Pourtant, le désir d’une ère nouvelle est fort : « Elle voudrait trouver une manière d’être au monde qui ne soit ni prédatrice, ni autoritaire, ni arrogante ». On retrouve le thème cher à Michel Serres (p191) et qu’il avait développé dès 1990 dans son livre « Le contrat naturel » : l’homme a désormais la capacité de scier la branche sur laquelle il a niché.
Personne n’écoute, on désespère… cette envie de tout faire péter, de tout réinventer, comme au premier jour : « Sur ces bâtiments détruits ou simplement mis hors d’usage, nous pourrions bâtir quelque chose de neuf ».
Le salut pourrait venir d’une invention, d’une plante qui mange le soleil par exemple, mais pourquoi toujours souhaiter la rupture technologique alors qu’il suffirait de s’inscrire dans le mouvement du monde. Se fondre dans le décor, au lieu d’y foncer.
On pourra regretter quelques facilités dans l’intrigue, quelques largesses dans l’action (comme dans un James Bond). Une broutille au regard du plaisir de lecture procuré par ce roman. On voyage, on s’instruit, on réfléchit, et on passe un excellent moment.
Bilan : 🌹🌹