Ordure
Il m’arrive de prospecter chez les petites maisons d’édition, à la recherche de l’étrange ou du saugrenu. Me voilà servie.
Sloper (saloper à une lettre près) est un agent d’entretien qui sévit dans un immeuble. Sa vie se résume au ramassage des ordures, pardon, des déchets (le propriétaire des lieux préfère qu’on les appelle ainsi). Chaque locataire se révèle par les détritus qu’il abandonne (« Soit elle était végétarienne, soit elle faisait un régime. Dans sa poubelle souvent, un petit plateau avec des morceaux de fruits sur une feuille de salade détrempée »). C’est fou comme le vice et la vertu deviennent transparents au fond d’une corbeille.
L’existence de Sloper est morose, rythmée par ses taches routinières, éclairée par les rencontres impromptues qu’il fait avec des paumés bavards ou des névrosés qui restent bosser tard dans leurs bureaux.
Son job lui monte à la tête. Après tout, un cadavre est aussi une forme de détritus et il n’est pas insensé de le traiter comme tel – l’humanité en moins.
C’est un roman déconcertant. La dédicace (géniale) annonce la couleur : « Pour Kelly – si elle en veut » et la préface (comme souvent) a valeur d’avertissement : attention les amis, ce n’est pas du Marc Lévy.
Et en effet, il faut parfois s’accrocher, réprimer des hauts le cœur, passer outre le dégoût que les agissements de Sloper peuvent inspirer.
En bref, trop glauque pour affirmer que je l’ai aimé, mais trop original pour le détester. Un peu comme ces objets, objectivement moches, qu’on n’arrive pas à jeter parce qu’ils vous ont touché.
Bilan : 🌹🔪