Madeleine avant l'aube
Pour moi, ça ne vaut pas le Goncourt.
Sandrine Colette a l’ambition de s’attaquer aux racines du grand malentendu qui sépare les hommes des femmes depuis la nuit des temps, au risque d’en devenir caricaturale.
L’argument qui transpire du récit ? Les hommes veulent que tout reste en l’état, que rien ne bouge, parce qu’ils ont imposé des lois et des pratiques qui les avantagent. Ils dominent, ils troussent, ils abusent. Certes, il y a l’exception d’Eugène pour se défendre, en le glorifiant, de faire l’apologie d’un féminisme premier degré.
Il y a aussi Léon l’alcoolique et cette raclure d’Ambroisie-le-fils qui sont les parangons d’un machisme et d’un patriarcat décomplexés. Là encore, Sandrine Colette est habile. Elle transpose une problématique actuelle dans un passé lointain, vierge et violent, qui lui donne du relief. Impossible de lui reprocher une forme d’outrance, autres temps, autres mœurs. L’anachronisme est effleuré comme pour la lutte des classes à l’ère féodale, façon Jacquou le Croquant (« Nous sommes des lâches mais nous sommes vivants »)
Et les femmes ? Elles incarnent le changement et le courage. La petite Madelaine est une sauvage, une libératrice. Une jeune femme attirante aussi… qui ne veut pas se conformer aux usages en vigueur. Il n’y a pas si longtemps, on aurait dit : un garçon manqué (d’ailleurs, p246…). Intéressante ambiguïté : celle qui porte le flambeau des femmes refuse de leur ressembler un peu, et le gynécée qui l’entoure est passif et soumis.
Le livre est parfois répétitif : on sème autant qu’on s’aime, on mène les cochons à la glandée, on se les pèle (les chapitres sur l’hiver glacial sont réussis).
J’ai aussi noté de nombreux passages, beaux et justes (exemples pages 31, 58, 82, 115, 209, 234) qui temporisent ma circonspection.
Bilan : 🌹