Les yeux de Mona
À ne surtout pas lire en étudiant les tableaux cités. Ce ne serait pas rendre justice à l’ambition de l’auteur : nous apprendre à voir au-delà de l’œuvre. Il faut convoquer les images avec pour seules indications la description formelle du tableau et les commentaires qu’en font Mona, la petite fille, et Henry, son grand-père érudit.
C’est une initiation qui oscille entre « L’histoire de l’art pour les nuls » et le cours magistral d’un universitaire - tantôt simpliste, tantôt virtuose. On l’aura compris, ce livre a le défaut de sa qualité : la vulgarisation. Les plus snobs le bouderont, les autres se laisseront happer par le plaisir de la découverte. Ce fut mon cas.
Quel bonheur de retrouver Marguerite Gérard (p142), Marie-Guillemine Benoist (p160), Rosa Bonheur (p213), Julia Margaret Cameron (p232), Anna-Eva Bergman (p422) et l’immense Louise Bourgois (p437). Je sais, que de femmes, on ne se refait pas.
L’auteur traque le détail, le clin d’œil, l’anomalie qui donnent à l’œuvre son caractère transgressif et sa postérité. L’Histoire ne retient pas le conformisme. Pour la séduire, il faut sortir du cadre, briser les codes et s’affranchir des lieux communs. Cette quête, essentielle et sublime, valait un roman, qu’il faut lire comme on visite un musée, en accélérant le pas dans certaines salles, parce que la vie de Mona tient du prétexte. L’exceptionnelle maturité de cette petite fille manque de crédibilité. Le roman devient catalogue si on met de côté son histoire qui ne manque pas de charme et d’intelligence par ailleurs : l’indicible, ce que l’on refuse de voir, la peur de la perte, et cette magnifique trouvaille, conclure avec l’outre-noir de Soulages.
Le livre de Thomas Schlesser m’a fait penser, dans ses intentions, au « Monde de Sophie » de Jostein Gaarder. L’instruction par le roman est un exercice périlleux (car le didactisme guette). Umberto Eco en reste le maître incontesté.
Bilan : 🌹🌹