Les méduses n'ont pas d'oreilles
La surdité est un handicap invisible. Dans notre société dominée par l’urgence de l’image, cela constitue un handicap supplémentaire (« Les sourds n’avaient pas leur place dans les mythes fondateurs de l’humanité. L’empathie était indéniablement réservée aux aveugles »).
Pour être sincère, j’avais acheté ce livre en raison de son titre, connaissant la mauvaise habitude de Grasset à faire dans la surenchère. Je me préparais à proposer des titres alternatifs tels que « les serpents n’ont pas de couilles » ou « Les palourdes n’ont pas de groins », bref, à faire rire la galerie.
Je me suis trompée. Ce premier roman mérite l’intérêt plus que la moquerie. Ses qualités (l’authenticité et l’émotion) l’emportent largement sur ses défauts (l’impression de lire un journal intime retravaillé).
Louise a vu le jour dans le monde des entendants mais se rapproche de celui des sourds (« Depuis l’enfance, tu es sur un fil, tu te fraies un chemin entre deux mondes auxquels tu n’appartiens pas tout à fait ».) Les entendants la conjurent de se faire implanter un appareil. Les sourds l’excluent de leur communauté habituée à communiquer par la langue des signes. Sa vie est faite de malentendus (« Chaque mot incompris devenait une injustice de plus »). Elle va devoir trouver une troisième voie, comprendre le silence (« La véritable musique est le silence et tous les mots ne font qu’encadrer le silence » avait écrit miles Davis) et l’apprivoiser (« Le silence libérait des mots et des images que le langage retenait prisonniers. Je n’étais donc pas perdue mais en chemin »).
J’aime les livres qui me font découvrir de nouveaux mondes et m’invitent à envisager la vie différemment. Le premier roman d’Adèle Rosenfeld est de ceux-là. Il raconte avec subtilité l’odyssée d’un sens égaré.
Bilan :🌹