Juste un corps
On tolère son corps plus qu’on ne l’habite. On le toise, même. L’analogie est pertinente (« Notre corps est la maison de notre être, la demeure où le destin a voulu qu’on passe sa vie »). Le corps, c’est un peu comme un bien immobilier dont on est juste locataire - détaché. Qu’il nous abrite, qu’il ne se fasse pas remarquer, qu’il n’importune pas ! Pourtant, dès qu’un dysfonctionnement apparaît, que la machine se détraque, il manifeste sa présence. Fuites, incendies, fissures, pépins variés, des maux survient la prise de conscience (« Je tends à le voir comme mon instrument, je ne suis que son effet »).
Alors Claude Arnaud l’observe d’un peu plus près, des humeurs aux viscères, captivé par son essence, aux aguets : « Mon corps ne consiste vraiment que durant le bref moment de la jouissance et le temps long, si long, de la souffrance ».
Quelquefois, le corps s’écarte de l’âme qui l’enveloppe. Claude (et son prénom hermaphrodite) ne se reconnaît plus dans le miroir. La peau, les muscles, jusqu’à la pomme d’Adam, tout s’oppose à sa nouvelle Ève.
Ce corps, trop souvent condamné par les religions qui en ont interdit la beauté et l’expression alors que chez les peuplades dites « primitives », il primait sur le tout, et le tout puissant (« Le christianisme a voulu réduire notre corps au silence et à la souffrance »). Freud n’a rien arrangé, faisant de l’inconscient la cause de tout.
Le corps est putrescible. Les Égyptiens en abhorrait la destruction, inconsolables à l’idée de se présenter décomposés devant Nemty. Comment y survivre ? Peut-être en se réincarnant par le livre. C’est le réconfort de l’écrivain, au matin des adieux.
« Juste un corps » est un bel objet littéraire. Il prolonge, avec plus de poésie, le « Journal d’un corps » de Daniel Pennac.
Bilan : 🌹🌹