Les mains pleines

Les mains pleines

Il serait facile d’érafler ce petit livre. Si facile que je m’en garderai. On ne tire pas sur l’ambulance. Ça n’en vaut pas la peine d’autant que le sujet, traité d’une manière originale et sincère, ne le mérite pas.

Si, avec les mêmes procédés, Guillaume Collet nous avait infligé l’histoire de deux littérateurs qui se bécotent à Saint-Germain-des-Prés, j’aurais sorti toute ma batterie de chez Laguiole.

Le sujet, c’est la dégradation mentale et physique des grands-parents du protagoniste. À contre cœur, la famille lui délègue la prise en charge des aïeux déclinants, de grands Bourgeois qui pensaient à tort que leur richesse les protégerait de la vieillesse. Raté, le déclin est inexorable.

À l’échelle de quelqu’un de sénile, la maison est un monde et les couloirs, d’infranchissables frontières. L’auteur a donc choisi d’intituler ses chapitres avec les pièces du domicile (salon, cuisine, garage…) qu’il découvre lors de ses visites. Bien joué.

Bien trouvés aussi les pense-bêtes (la démence s’accélère, mémé fait des listes) pour décrire l’urgence et la précarité (pages 25, 42, 57, 77, 93 et 109).

Avec les mêmes intentions (exprimer la peur et l’effritement du temps) l’auteur ose les phrases sans verbe et les successions de mots (« choc, vertige, colère ») qui m’ont exaspérée mais dont je comprends la fonction.
En revanche, je suis moins indulgente avec un autre parti pris, celui de qualifier toute la famille par « Famille », la grand-mère par « Grande-mère », et le petit fils par « Petit-fils ». « Petit-fils » est le nom d’une société spécialisée dans l’aide aux personnes âgées. C’est très perturbant dans la lecture. J’ai eu l’impression que le concurrent d’Âge d’or et d’O2 me faisait sa promotion.
Je recherche dans un roman une autre vision de la réalité, comme celle d’assister, impuissante, au dépérissement de ceux qu’on aime. À ce titre, “Les mains pleines” m’a touchée malgré son style contestable et son caractère presqu’expérimental. J’ai aussi beaucoup aimé le final « après moi le déluge ».

Bilan :🌹

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