Jacaranda

Jacaranda

Comment parler d’un génocide ? Comment décrire l’inhumanité ? Ces questions ont hanté les auteurs qui ont écrit sur la Shoah, au point de se demander si le silence était préférable. Pourtant, Levi, Kertész, Szpilman, Hillesum ou Semprun ont posé des mots sur l’innommable, en choisissant leur registre.
C’est ce qui m’a gênée dans le roman de Gaël Faye, aussi bouleversant soit-il. On passe trop rapidement de l’atrocité à la légèreté, de la vengeance au pardon. Comme ce criminel hutu, dit « Le chat » » qu’on quitte un revolver sur la tempe et que l’on retrouve, quelques pages plus loin, en bons termes avec son agresseur (p259).

De quoi Jacana est-il le nom, au juste ? D’un métis qui renoue avec ses racines ? D’un pays africain meurtri par la colonisation dont les expatriés sont les héritiers (critique féroce p215) ? De l’impossible exercice de la réconciliation nationale ? C’est un peu tout cela en même temps, d’où l’impression de lire un patchwork de bonnes intentions cousues d’un fil ténu : le Rwanda.

Les moments les plus forts du livre sont les moins romancés, des discours dont la valeur est d’abord documentaire. Je pense à celui de Claude au procès des assassins de sa famille (p126), de Stella, d’ailleurs peu crédible pour une si jeune fille (p195) et d’Eusébie (p228), le plus intense et le plus réussi des trois.

La gravité et la sensibilité du sujet ne doivent pas occulter les défauts du roman qui le porte. Gaël Faye est pris entre l’envie de clamer la vérité, aussi crue soit-elle, et celle de l’adoucir par une fiction plus digeste. La qualité et la cohérence de son dernier livre s’en ressentent.

Appréciation : 🔪

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La vie des spectres

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