Ceux qui restent
On parle peu des hommes qui rentrent du front, traumatisés, empêtrés dans leurs obsessions (p108 « Non, on ne s’habitue pas, doc » ; p190). Ceux qui frôlent la mort ne peuvent l’oublier. Pire, ils ont la tentation de l’approcher à nouveau parce que le danger leur a procuré des sensations extrêmes au point – ce grand paradoxe – de se sentir vivants comme jamais. Comment surmonter l’épreuve du feu ? Comment revenir à la banalité du quotidien ? Pour l’évoquer, il y a cette scène, dans le film « The hurt locker », du démineur de retour au pays, désemparé devant le rayon corn flakes d’un supermarché. Et il y a le roman de Jean Michelin.
Ancien militaire, l’auteur décrit le théâtre des opérations avec une acuité rare, une authenticité acquise sur le terrain. Ce sont des choses qu’on ne peut inventer. Dans le même genre, il y a eu « Yellow birds » de Kevin Powers.
On suit donc une compagnie dont l’un des membres, Lulu, s’est volatilisé dans la nature. Ses camarades décident de le pister, avant qu’il ne soit déclaré déserteur et qu’un moment d’égarement n’entache une vie de bons et loyaux services. Égarement, vraiment ? Pourquoi Lulu a-t-il disparu ? Quel secret a pu le mener à une telle folie ?
Stéphane, Romain, Charlier et Marouane vont tenter de percer le mystère, au risque de réveiller leurs démons, quitte à déterrer leur turpitude et briser les liens indicibles qu’ils ont noué au plus fort des combats.
Ceux qui partent… et celles qui les attendent. Jean Michelin parle aussi très bien des femmes de soldat, un enfant pendu à leur bras, l’angoisse rivée au corps, la douleur enfouie, exercées à se résigner, incapables de regarder l’avenir droit dans les yeux.
Bilan :🌹🌹