Vous ne connaissez rien de moi
Un premier roman impressionnant de maîtrise et d’intensité qui va illuminer la rentrée littéraire.
Avec la citation de Claudel, Julie Héraclès annonce la couleur : « les salauds, les saints, j’en n’ai jamais vus. Rien n’est ni tout noir, ni tout blanc, c’est le gris qui gagne… Les hommes et leur âme, c’est pareil… »
Simone s’est faite embochée - odieux terme pour insulter la petite amie de l’occupant. Incarnation de la disgrâce ? Vous ne savez rien de Simone, de son enfance, de sa souffrance, de son béguin pour Otto Weiss, l’allemand lettré qui honnit la guerre. Simone ressent, et cherche à comprendre. La brutalité et la bêtise des prétendus héros, la douceur et la grandeur des soi-disant monstres.
Julia Héraclès ne tombe jamais dans le piège d’un manichéisme outrancier. Son héroïne, Simone, aimait la langue de Goethe. Elle a cru, un temps, à cette nation fière et forte que promettait le führer (p178). Il n’y a pas de fumée sans feu. Il a pris lentement, une étincelle a suffi. Elle couvait sous les cendres de ses premiers émois corrompus, de ses espoirs fracassés, de toutes les humiliations subites. Pourquoi lui en vouloir ? La grande histoire s’est écrite à l’encre des vainqueurs, a posteriori, sans les précautions d’usage, au détriment des malchanceux et de ceux, le cœur et la morale engourdis, qu’elle a abandonnés à la croisée des chemins.
Un roman puissant dans le fond et dans la forme. Des phrases courtes qui rendent le récit plus alerte, tendu vers l’essentiel. Un bon usage de l’alternance des époques qui donne du relief aux personnages. Des dialogues réalistes qui insufflent à cette histoire tragique sa dimension romanesque.
D’une photo, Julie Héraclès a fait un très beau livre. Si « Le baiser » de Robert Doisneau l’inspire, qu’elle n’hésite pas !
Bilan : 🌹🌹🌹
PS : ceci n’est pas un SP mais un prêt de ma libraire. Fidèle à mes principes, je rachèterai le roman au moment de sa sortie officielle.