Robledo
Entre le roman, l’essai et le documentaire journalistique, Robledo est un livre fascinant et subversif. Le point de départ ? Beaucoup de gens travaillent sans être rétribués et s’en accommodent parfaitement. Et si tous ces gens appartenaient à une organisation commune ? Et si leur but ultime était de se dissoudre dans le travail ? Raconté ainsi, cela paraît improbable, à la limite du saugrenu. Le journaliste (héros du livre) fait une expérience pour en avoir le cœur net. Un jour, il se balade dans les rayons de la Feltrinelli (la fnac italienne), est abordé par une cliente qui lui demande des conseils sur la littérature russe, lui vend du Dostoïevski, fait de même avec un autre client et ainsi de suite… Personne n’y trouve à redire. Il a pris du plaisir. Il a travaillé, pour rien. Certaines personnes ne peuvent se passer de travailler. Elles préfèrent trimer gratis que de glander. Elles bossent dans les centres commerciaux, les champs, les usines… Et quand leurs économies ne leur suffisent plus ? Elles se tuent. Ce qui pousse les patrons plus scrupuleux à maquiller leur suicide en accident du travail car, bien entendu, ils ne sont pas sur leurs fiches de paye. Les pratiquants du TPT (le Travail Pour le Travail) explique que leur pratique est une forme de libération : pas de salaire, pas de fisc, pas de chef, pas de consumérisme… Juste le travail. Bien-sûr que ce livre relève du fantasme, voire du conspirationnisme aigu, mais c’est tellement bien fichu qu’on y croirait presque. Sans doute parce que cette fiction réveille en nous des questions qui nous tourmentent : peut-on se passer du travail ? Qu’est-ce donc qu’une société dont la valeur centrale est le travail rétribué ? Suis-je vraiment libre ? Et qu’est ce qui se passerait si j’arrêtais de travailler, si j’envoyais tout le monde bouler ? Bref, un ouvrage gentiment anarchique au carrefour de Roberto Saviano (la dissection d’une organisation clandestine), de Michel Houellebecq (le nihilisme) et de Nuncio Ondine (la réflexion sur l’inutilité).
Bilan : 🌹🌹