La peau dure
Ce livre m’a d’abord permis de faire connaissance avec l’auteur, Raymond Guérin, fils du peuple qui accéda aux lettres – et donc soutenu par Camus. C’est en lisant les mésaventures des sœurs Clara, Jacquotte et Louison, qu’on mesure le progrès social et l’amélioration de la condition des femmes qui, après-guerre, constituaient la masse silencieuse et résignée du prolétariat. Elles trimaient dans les ateliers, les blanchisseries ou les tavernes (voir p 81). Pour plus de confort (mais aussi de servitude), elles choisissaient de travailler dans une famille aisée, ce qui leur garantissait le gîte et le couvert. L’ascenseur social n’avait qu’un bouton : le mariage avec un homme plus fortuné. Mais on comtend qu’un beau minois ne tire pas forcément d’affaire, entre entourloupes et grossesses non désirées. Les hommes, toujours en position d’abuser de leur pouvoir (la force ou l’argent) ont la main leste et la morale oublieuse. Toutes ces femmes, qui semblent sorties d’un Downton Abbey à la française, subissent la loi de l’argent devant lequel se plient la justice, la santé et la réputation. Louison témoigne, désabusée : « Tous ces gens-là, les médecins, les avocats, les curés et les juges c’est tout plus charlatan l’un que l’autre. Ça vous régale de belles paroles. Mais avec eux, il faut toujours finir par passer à la caisse ». Je ne sais pas si ce livre est un plaidoyer pour les laissés-pour-compte (accroche de la quatrième de couverture) mais c’est une bouleversante reconstitution de la vie de labeur des femmes dans les années quarante. En le lisant, je me suis dit qu’en 2019, l’existence de beaucoup de femmes hors d’Europe (Inde, Chine, Pakistan, Thaïlande) devait ressembler à celle des protagonistes de « La peau dure » : trouver un mari, se placer, éviter trop d’enfants, manger à sa faim, se réjouir de petits riens. Merci à #editionsfinitude pour cette découverte.
Bilan : 🌹