L'enragé
C’est un plaidoyer contre le système carcéral que Michel Foucault et Victor Hugo n’auraient pas renié.
Jules Bonneau, dit « la teigne », a été abandonné par sa famille. Il est l’un des nombreux pensionnaires de la colonie pénitentiaire maritime et agricole de Belle île-en-mer, cette prison pour mineurs, cet Alcatraz de vergogne qui ne choque pas grand monde, quelques mois après les terribles émeutes de février 1934. L’heure est à la correction et aux règlements de compte. Ces mômes bagnards, il paraît qu’on leur donnait une seconde chance alors qu’en fait, on leur épuisait le corps, on leur essorait l’esprit.
Il y a pourtant quelques âmes éclairées pour dénoncer les abus de cet enfer d’un autre temps : une infirmière sensible à la souffrance humaine, un patron pêcheur épris de justice et un poète que l’innocence inspire depuis toujours (« Sans la confiance, tu es seul au monde »).
C’est à leur patience et à leur courage que Jules devra son salut. Il reste son propre ennemi. La violence coule dans ses veines. On l’a dressé à ne pas aimer, à se méfier d’un sourire. Lui-même doute de sa rédemption, s’imagine éternel condamné.
La première partie du livre est un uppercut. Enfermés derrière l’océan, les gamins s’écharpent et se défendent avec une furie d’adulte, entre vengeances et punitions. J’ai préféré la suite, la fuite de Jules et son retour à la lumière.
Ancien journaliste, Sorj Chalandon ne déçoit pas. Son histoire est documentée, frappée au sceau du réalisme. Seul petit reproche : un léger abus des rêves qui n’en sont pas, procédé narratif malicieux pour imaginer le pire mais qui finit par lasser.
Bilan : 🌹🌹