Willibald
Encore une histoire de tableau mais cette fois, la quête est d’un autre ordre. Il ne s’agit pas de comprendre ce que le peintre a voulu représenter sur la toile (en l’occurrence, Le sacrifice d’Abraham) mais la raison pour laquelle son propriétaire, Willibald, ne s’en est jamais séparé. Les épreuves n’ont pas manqué, pourtant. Chassé d’Autriche par le régime nazi, réfugié au Brésil où il dût se réinventer alors que d’autres choisissaient le suicide (Stefan Zweig), l’ancêtre de l’auteure a gardé le tableau auprès de lui, comme un porte-bonheur ou plutôt, comme un chasse-malheur, un totem, un fil rouge qu’il suivra toute sa vie. C’est ce fil rouge que Gabriella Zalapì cherche à démêler en fouillant les archives et la mémoire défaillante de sa mère Antonia.
Willibald parle du tableau comme d’une épouse ou d’une muse (« N’achète que des toiles avec lesquelles, tu as quelque chose à vivre »). Il semble qu’il agit comme un reflet critique, lui rappelant non pas ses vices et sa vanité (tel le portrait de Dorian Gray) mais ses échecs et ses errements (« Emil m’a laissé seul, avec sur les bras la responsabilité du symbole de sa réussite ».) Willibald, aux multiples facettes (p110 et p138), dont Le sacrifice d’Abraham semble être l’unique élément concordant et structurant.
Introspectif et nostalgique, ce livre interroge notre histoire familiale au prisme des choses - intemporelles, elles - qui l’entourent. Faites vous-même l’exercice. Pensez à cette maison où des générations se sont succédées. Elles disparaissent mais les objets demeurent, au mépris des êtres qui les ont manipulés. Vertigineux.
Bilan :🌹