Serge
Un roman qui rappelle Houellebecq parce que désabusé, euphorique dans sa détestation de l’époque, décomplexé dans son usage de la culture et des people. Extrait : « on a abandonné tous nos vecteurs de puissance pour un monde irénique à base de bienveillance, auto-préservation et autre mantras solidaires ».
On a tous un Serge dans la famille, un oncle, un frère, un type attachant qui, en vieillissant, perd sa foi en l’humanité. L’hygiène par la misanthropie.
J’ai eu du mal à aimer cette famille que l’auteure nous présente comme plus intelligente que la moyenne – au-dessus de la meute du tout-venant.
La petite escapade à Auschwitz, avec en arrière-pensée la dédicace à Kertész, m’a gênée. Je ne suis pas certaine que la visite des camps se prête à la dénonciation du voyeurisme et du tourisme de masse. Il y a quelque chose d’obscène dans la démarche mais bon... Il s’agit (je décode) de fustiger l’absurdité et la vulgarité contemporaines ; de s’interroger sur le sens du lieu de mémoire.
Paradoxe, c’est en Pologne, au musée des horreurs, que l’éclatement de cette famille fonctionne le mieux, entre cocasserie et attendrissement. Les dialogues fusent. On se taquine autant qu’on se déchire, on fait l’examen de son existence à l’aune de celle de ceux qui mourront bientôt. L’heure est grave, l’heure des bilans (« quelle vie n’était pas un ratage ? » ; « tout le monde croit à un meilleur endroit »).
Lire Serge c’est comme se délecter d’une comédie douce-amère sur deux frères, écrite par le duo Bacri-Jaoui, exception faite de la « parenthèse camp d’extermination » où l’auteure chemine sur un fil, entre humour et abomination - dans cet exercice impossible, Roberto Benigni reste une référence.
Bilan : 🌹