Mahmoud ou la montée des eaux
C’est un ouvrage qui se lit comme on égrène un chapelet. Mot après mot, avec dévotion. Prière, prose, poésie, peu importe. Il faut se laisser porter par l’émotion de ces phrases, courtes, écrites par la nécessité du souvenir. Comment parler de la douleur sans la dévoyer, sans la mettre à distance par les règles du langage ? Ne faut-il mieux pas se taire ? (« Un monde où il n’y a plus de retraite possible (…) Quels mots pour dire une terre qui survit au massacre de l’enfant ? »)
Antoine Wauters fait le choix de la mélopée et des lamentations. À la lecture de son récit, je m’imaginais Mahmoud, dressé sur sa barque, seul au milieu de l’eau, tourné vers le ciel, s’épuisant à raconter.
Raconter quoi ? La Syrie et son martyr, né de la folie meurtrière d’un homme, Bachar, l’étudiant londonien un peu gauche, que rien ne destinait à la barbarie du pouvoir. Il était doux, timide et, « Maintenant, il regarde les gens dans les yeux quand il leur parle. Au fond des yeux. Et se tient droit comme le fil d’une épée ». Quel pacte faut-il signer ? Quel mauvais dieu faut-il invoquer pour abandonner son peuple à la barbarie ? Le texte interroge.
Mahmoud vit avec sa solitude (« La lune est pleine là-haut. Alors qu’ici tout est décombre. Fume vieillard. Oublie tes cairns. Oublie la mort »). Il a le temps de jauger son malheur, ses amours perdus, ses espoirs déçus, les vers qui l’ont emprisonné et ce printemps trompeur, aube d’un hiver infini.
Bilan : 🌹🌹