Les âmes rouges

Avant de m’attaquer à « Maîtres et esclaves », le roman qui lui a valu de faire partie de la dernière sélection du Goncourt, je voulais lire le premier roman de Paul Greveillac paru chez Gallimard. Son titre s’accordait bien à ma lecture précédente et, curieux hasard, il en partage quelques caractéristiques. Notamment son impressionnante densité. Paul Greveillac a érigé un monument littéraire de 444 pages à la gloire des esprits ré-enchanteurs qui, depuis Staline, ont fissuré le bloc soviétique et sa pensée unique. Son héros, le censeur de la GlavLit, Vladimir Sergueïevitch Katouchkov, est un pompier pyromane, un homme cultivé qui, à force de lire et de censurer les plus belles oeuvres de la Russie du vingtième siècle (Pasternak,Soljenitsyne pour ne citer qu'eux) dans le but d'étouffer les flammes de la liberté, finira par être gagné par leur feu sacré et devenir, lui aussi, un écrivain dissident. L'arroseur arrosé, en quelque sorte. Ce roman est une fresque. Dans les yeux de Katouchkov, on voit l'empire s'écrouler, ses certitudes d'abords, ses murs de béton ensuite. Ce n'est pas un livre qui se parcourt avec insouciance. Truffé de références, documenté de façon presqu'obsessionnelle, déroutant par ses digressions érudites, ce roman est animal farouche qui ne se laisse pas facilement apprivoiser. Mais comme tous les livres exigeants, il ne s'oublie pas. Puissant, profond, le roman de Paul Greveillac a puisé dans les classiques qui ont sans doute bercé son adolescence studieuse et passionnée, de Gogol à Dostoïevski.C’est le petit défaut et la grande qualité de ce livre : nous faire réviser la grande histoire contemporaine de la Russie tout en suivant la petite histoire de l’un de ses protagonistes.

Bilan : 🌹🌹