Le pays des jouets
« Le pays des jouets » est un récit doublé d’un essai.
L’observation d’une famille italienne entraînée dans le fascisme des années 20 est le point de départ d’un livre qui montre en quoi la violence de nos sociétés s’accompagne de la nostalgie de l’enfance. Toute l’ère moderne s’est construite sur ce paradoxe. C’est à l’heure où la machine industrielle (ce grand Saturne) se déchaîne que les artistes et les poètes rivalisent d’imagination. Au milieu du XIXe siècle, alors que s’ouvre « The Great Exhibition of the Works of Industry of all Nations », des enfants meurent de fatigue dans les usines de textiles londoniennes. À la même époque, Lewis Carroll publie « Alice au pays des merveilles », loin des dures réalités victoriennes (relire l’intéressante critique de Virginia Woolf sur l’œuvre de Carroll). C’est à la veille de la guerre la plus meurtrière de l’histoire, en 1939, que « Blanche Neige et les sept nains » de Walt Disney sort sur les écrans (il sera primé au Festival du Film de Venise comme l’Olympia de Leni Riefenstahl). Il paraît qu’Hitler y retrouvait « l’exaltation de l’univers traditionnel sud-allemand, en même temps que la lutte pour la race, Blanche-Neige incarnant la pureté aryenne et la sorcière, le peuple juif ».
Bruno Remaury va même plus loin dans son raisonnement. Beaucoup d’entreprises politiques ont consenti au sacrifice de leur jeunesse pour faire place au progrès (p55). Il y a, dans le fascisme un élan vital et romantique, un enthousiasme conquérant qui donne à la guerre son caractère nécessaire sinon ludique. Et de rappeler que Peter Pan disait : « mourir sera sûrement une terriblement grande aventure ». Exaltation d’une ère nouvelle et recherche d’une innocence (pureté) oubliée : l’enfant est bel et bien au centre des fantasmes qui menèrent aux catastrophes.
Bilan : 🌹