La Mâle-mort entre les dents
La chienlit à Conlie. C’est un épisode peu glorieux de la guerre franco-prussienne de 1870-1871 que Fabienne Juhel nous raconte. Durant de longs mois, on a abandonné à leur sort des milliers de soldats venus de Bretagne. Sans arme, sans entraînement et parfois sans ravitaillement décent, ils ont pataugé dans la boue en attendant un ordre de Gambetta (surnommé « Gros Bêta »). L’auteure a choisi le poète Tristan Corbière pour témoigner de l’absurdité de la situation de ces hommes (« un bouffon au milieu des trouffions ») dont l’état-major se méfiait pour une hypothétique propension à la chouannerie. Entre éléments biographiques, références à la grande Histoire (Jean Moulin est de la partie) et roman de guerre, l’auteure ne choisit jamais son camp. C’est le principal reproche que je lui ferais. Avec les soldats, on tourne en rond. On a l’impression que les mêmes sujets sont sans cesse rabâchés. L’action fait défaut. L’attente évoquée ne réussit pas (comme « le désert des Tartares » de Buzzati) à devenir un sujet. C’est dommage parce qu’il y a dans ce livre atypique de très belles pages de littérature (pages 16-20, 84, 101, 141-142) et on voudrait en savoir plus sur Tristan ou encore sur Camille, la femme qui lui envoie des nouvelles cocasses des parisiens assiégés, réduits à se nourrir des animaux du zoo (passages instructifs et non dénués d’humour). C’est le genre d’ouvrage qui ne passerait jamais les portes d’un grand éditeur mais qui peut réjouir un lecteur friand de curiosités, même imparfaites. Quoi qu’il en soit, cela m’a donné envie de lire d’autres ouvrages de cette auteure dont la langue est très belle. La connaissez-vous ?
Bilan : 🌹