La cloche de détresse
Qu’est-ce qui cloche ?
Esther Greenwood a toutes les raisons de se réjouir. Lauréate d’un concours de poésie à dix-neuf ans, elle peut faire de New York son terrain d’expérimentations.
Mais qui se soucie de son talent ? Qui s’intéresse à ses écrits ? (« Je me sentais comme un cheval de course dans un monde dépourvu d’hippodrome »).
Certaines personnes sont dotées d’un sixième sens, pourvues d’une conscience affûtée qui les alerte avant la meute. Lucides, ils savent que les fruits les plus mûrs sont promis à la putrescence. Alors ils s’en méfient. Esther est de ces êtres. Sa vie est un joli tableau dont le vernis craquelle, un miroir dont elle rejette l’image stéréotypée. Sa vie devient si pathétique qu’elle échoue même à s’en défaire. De Charybde en Scylla : parce qu’elle se rate, elle devient sujet psychiatrique.
Tout ça parce qu’elle refusait de se marier, de ressembler à ces mères courage épuisées par le labeur quotidien (p157). Quelle gloire y-a-t-il à s’abîmer ainsi ? Dans les années cinquante, la femme est promise au foyer et à l’asservissement. La bagatelle tourne court, l’amour fait long feu sous le joug domestique et la domination masculine.
Sylvia Plath s’en est scandalisée. Comme souvent, celles qui disent « non ! » beaucoup trop tôt payent leur audace de leur santé mentale. Est-ce sa cervelle qui ne tourne pas rond, ou le beau monde qui l’oppresse ?
À une époque révolue et dans un décor suranné (entre la série « Mad Men » et « Virgin Suicides »), Sylvia Plath livre des réflexions d’une grande modernité.
Bilan :🌹🌹