Jour de ressac

Jour de ressac

Maylis de Kerangal est de retour !

Depuis « Réparer les vivants », je ne la reconnaissais plus, enfermée dans un maniérisme caricatural dont « Un monde à portée de main » était le regrettable aboutissement. Comme si les effets de style avaient gommé le plaisir de la narration. Avec « Jour de ressac », c’est le contraire : sa qualité d’écriture donne à son récit une texture unique.

Finesse de la langue, acuité des portraits (ex. page 56), vivacité des réflexions (ex. pages 27, 110, 176), poésie des descriptions (ex. pages 39, 64, 84, 114, 118) et cette atmosphère de roman noir qu’elle installe au fil des pages : un art parfaitement maîtrisé.

Car oui, Maylis de Kerangal aime les artistes, les artisans, les bâtisseurs, les inventeurs. Il semble que son œuvre, toute entière, soit une ode à la création et au génie humain. Dans ce roman, l’auteure a les traits d’une doubleuse, d’une fabricante de voix. Y avait-il meilleur costume pour se glisser dans la peau de son personnage ?

La protagoniste de son dernier roman est une femme dans la force de l’âge dont l’existence est bouleversée le jour où un officier de police lui annonce qu’on a retrouvé son numéro de portable dans la poche d’un macchabée sans visage. L’homme gisait sur une plage du Havre. Pour la police, c’est une victime collatérale du trafic de stupéfiants. Pour elle, c’est peut-être le fantôme d’un amour de jeunesse.

Toute la beauté de ce livre, c’est d’entretenir le mystère sur l’identité du défunt et de nous abandonner à l’errance volontaire de la conteuse, quitte à provoquer le trouble et à laisser la vérité s’évanouir.

À noter les magnifiques évocations de la ville du Havre et cette trouvaille de l’araignée de mer (p168) qui mériterait à elle seule une exégèse.

De la belle littérature.

Bilan :🌹🌹🌹

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