Ilaria
Le flot narratif est à l’image de cette fugue en si mineur : furieux puis ralenti, maintes fois retenu, toujours prêt à déborder. Le style donne au récit son sentiment d’urgence. Des paragraphes raccourcis, des phrases abandonnées en route, des verbes oubliés parce qu’il n’y a rien à ajouter et qu’un mot, négligemment posé, suffit à raconter l’instant.
La peur, l’angoisse d’Ilaria que son père emmène loin de sa mère, qu’il embarque dans un « road trip » dont il a le mauvais rôle, celui d’un homme désorienté, voleur, alcoolique et colérique, mais toujours papa.
Ilaria cherche le réconfort dans le regard des inconnus croisés au hasard de leur escapade, chez ses amis imaginaires ou dans les souvenirs de ses héros d’enfance (que ferait Fifi Brindacier à ma place ?).
Rien ne l’apaise. Où va-t-on ? De quoi demain sera fait ? Le sommeil n’a rien d’une belle promesse : « Je m’endors comme ça, au bord du vide ». Les certitudes s’effritent au fil des kilomètres. Ilaria est prisonnière de l’amour qui déchire ses parents.
On longe la côte italienne entre inquiétude et réconfort, le soleil transcende, la chaleur accable et non loin de là, des gens meurent dans les attentats (ce sont les années de plomb). Gabriella Zalapì n’est pas l’auteure d’un chef d’œuvre (la forme du roman peut agacer) mais elle parvient à installer une atmosphère inoubliable. Mention particulière à la dernière phrase du livre qui en résume le sujet en six paroles de chanson : « cerco un centro di gravità permanente ».
Appréciation : 🌹