Ce que je sais de toi
Un roman sur l’abandon, un moment de grâce.
On est au Caire, dans le quartier du Moqattam, chez les zabbalines, une communauté de poubelles vivant de tri, de revente et de recyclage. Ali vient de là, autant dire qu’il n’est pas grand-chose aux yeux d’une société prompte à l’ostracisme - cet indicible mépris (formidable p110).
Tarek, le docteur qu’on sollicite autant qu’on admire, y trouve un autre foyer, et bientôt, rencontre Ali, cet amour interdit qui l’éloignera de tous et de tout : « Tu feignais de ne pas voir qu’il était un intrus dans la maison, au seuil d’une famille que l’on intègre que par la naissance ou le mariage. Qu’il restait un imposteur pour cette communauté avec laquelle, il ne partageait ni la religion ni la situation sociale ».
Tarek le sait. S’il laisse battre son cœur, s’il cède au désir de ce fils de pute, pardon, de cette pute de fils, il sera condamné et pourtant, « Ali te fascinait. Il y avait chez lui une absence de calcul, une exaltation du présent. (…) Il se contentait de vivre et tu te surprenais parfois à espérer que vivre serait contagieux »
Éric Chacour a peint une émouvante fresque familiale, de l’épopée de Nasser à la triste fin de Sadate, en passant par toutes les affres d’un pays prisonnier d’une histoire glorieuse et d’une géographie embarrassante.
Son héros, Tarek, est ce docteur qui fuit la pression d’un milieu qui le veut exemplaire, et qui s’abandonne à la passion amoureuse pour s’en défaire. Comme un air de Dr Jivago. Malicieux hasard, Omar Sharif était égyptien.
Mais quel est donc ce conteur qui l’interpelle (la forme du « tu » donne au roman sa tonalité si particulière) ? De quel droit réclame-t-il sans cesse sa présence ?
Vous le saurez (quelle émotion !) en lisant : « Ce que je sais de toi ».