Une bête au paradis
Les histoires d’amour finissent mal en général, au Paradis, comme ailleurs. Le paradis, c’est ainsi que se nomme la ferme où la famille Emard tue le cochon depuis toujours. Tout commence et tout finit dans l’arène, là où les porcs se repaissent des restes de nourriture que les hommes ont bien voulu leur céder. Avec « Une bête au paradis », Cécile Coulon s’affirme, définitivement, comme une des autrices les plus douées de sa génération. Sous sa plume, sauvage et poétique, l’homme et la femme sont tributaires de leur animalité, de leurs instincts, les plus bas comme les plus nobles. La passion coule dans leurs veines. Il n’y a pas de petits sentiments. Aux personnages de son roman, on promet le bonheur ou l’enfer. Il n’y a ni juste milieu, ni second rôle, ni rémission possible. Alexandre est l’archétype de l’homme qui part, de l’homme qui triche, de l’homme qui trompe la femme depuis la nuit des temps. Un irrésistible salaud que sa beauté absout – par définition. Blanche est pure, pleine de rêves et d’espoirs, comme son nom l’indique. Leur amour, digne d’une tragédie grecque, emporte tout sur son passage. Lire Cécile Coulon est une expérience éprouvante et magnifique. La tension est à son comble, la charge émotionnelle prête à exploser. D’autant plus violente que dans ce roman, les émotions les plus fortes sont confinées dans l’enceinte de la ferme. En sortir, c’est courir à la catastrophe, tenter le diable. J’ai été interpelée par les titres des chapitres, des verbes actifs, comme la liste des corvées du fermier, une manière de se remettre dans le droit chemin, de ne pas se laisse emporter par la fougue, de garder les pieds sur terre. Seule réserve, quelques facilités dramatiques : quand Fellini rencontre Argento, ça impressionne la rétine, mais la crédibilité du récit en pâtit un peu. Avec ce roman, j’ai retrouvé les sensations éprouvées en lisant « l’été meurtrier » ou « noces barbares ». L’amour à rendre fou. Le seul vrai amour ?
Bilan : 🌹🌹