Un empêchement
Ce roman est d’une élégance et d’une maîtrise qu’on trouve rarement dans un premier ouvrage. Rien d’étonnant. Les premiers romans écrits par les gens de 50 ans ont une profondeur à laquelle les plus jeunes ne peuvent prétendre. Il n’y a eu qu’une seule exception : Françoise Sagan.
De surcroît, la prise de risque était maximale car Jérôme Aumont a choisi de raconter une histoire d’amour. Il s’en sort avec les honneurs. Son triptyque fonctionne. Marie aime Mathieu qui aime Xavier. L’auteur a choisi la forme du roman choral pour se mettre dans la peau de ses personnages et donner leur vision d’un amour contrarié, d’une vie conduite à contre sens, d’« Un empêchement ».
Tous trois m’ont touchée, à leur manière. Le dévouement et les hésitations de Mathieu : « j’appartiens à une génération qu’on a très tôt persuadée que tout devrait se faire dans la douleur ». La marginalité assumée de Xavier : « (…) J’étais bien plus à l’aise dans la peau du petit garçon qui s’ennuie et développe des trésors d’imagination pour embellir sa triste existence que dans celle du petit prince qui régente sa cour miniature ». Et enfin, Marie, l’ambitieuse complexée, femme si active qu’elle en devient une parodie d’elle-même, une version édulcorée de mère et d’épouse.
La critique des mères (ménagères) de famille des années 60, produit dérivé du patriarcat, est cruelle mais juste (remarquables passages p120 et p186).
Un très bon premier roman dont l’atmosphère, la finesse et les dialogues m’ont rappelé les merveilleux films du réalisateur turco-italien Ferzan Özpetek.
Bilan :🌹🌹🌹