Soixante-neuf tiroirs
En lisant le roman de Goran Petrovic, on s’introduit à pas feutrés dans un jardin merveilleux, d’une fascinante complexité, où le mystère est omniprésent. Jugez donc. Par un procédé poétique dont le narrateur omniscient a le secret, son héros, Anastase, a le pouvoir de rencontrer une femme dans les pages d’un livre, à condition qu’elle lise au même moment que lui.
Tombé amoureux de Mademoiselle Houville, les lettres ne lui suffisent plus. L’écriture d’un roman, décor et théâtre de leur idylle (« un récit sans histoire, des pages et des pages de descriptions faire pour une femme qu’il n’avait jamais connue en dehors de ces pages »), lui permettra de prolonger leurs ébats jusqu’au jour où la belle, rattrapée par la réalité de son mariage d’intérêt, renonce à la lecture, et à son amant. Il en reste un ouvrage singulier, un objet brûlant, que celles et ceux qui l’approchent vénèrent comme la relique d’un temps sacré. Tous, cuisinière, amis, correcteur, lectrice attitrée, bibliothécaire, seront touchés par la candeur de l’œuvre et n’auront qu’une obsession : la rendre pérenne.
Le roman de Goran Petrovic est une ode à la lecture mais c’est aussi une réflexion sur le pouvoir de la fiction et la joie qu’elle procure au milieu d’un monde anxiogène. Ça ne vous rappelle rien ?
Malheureusement, on finit par s’ennuyer dans cette allégorie. Un peu comme si vous décidiez de traverser la Méditerranée en bateau et que passé le ravissement des premières encablures, la torpeur vous saisisse, jusqu’à regretter l’odyssée. Peut-être aussi que mon ignorance de l’histoire des Balkans m’a empêchée d’apprécier les nuances de cette histoire.
Dernier reproche. Même si j’apprécie hautement Zulma, je ne suis pas convaincue par leurs couvertures « papier-peint ». Celle-ci est particulièrement vilaine, et si éloignée de la douceur des propos tenus.
Bilan : 🌹