L'homme-dé
Le dé contre le déterminisme (notamment le déterminisme inconscient de la psychanalyse). Le dé contre la déité. Et si notre vie n'était que le fruit d'un hasard que nous avons le pouvoir de provoquer ? Commencée comme un jeu, l'aventure du professeur Rhinehart se termine en religion, en manière d'envisager l'existence. L'homme dé-cide, l'homme devient dé-icide. Il n'admet plus que le cours de sa vie soit orienté par les conventions sociales, le pouvoir d'autres hommes et bien-sûr les facéties d'un dieu dont l'existence reste à prouver. La religion de Rhinehart repose sur un principe simple et puissant : l’aléatoire et le plaisir. Son mode de vie est ludique, excitant, fascinant. Le je devient jeu. Dé-finir plusieurs options, laisser faire le dé, avec une contrainte, tout de même, ne pas prendre des options qui soient toutes agréables et favorables. Il faut une part d'objectivité. Au-delà de la théorie et du mode dé-bri-dé, jouissif, illimité dont l'auteur nous la raconte, cette histoire de dé touche un point très important qui a une résonance contemporaine : la difficulté de se conformer à une identité unique. Ne sommes-nous pas tous polymorphes, schizophrènes à un degré plus ou moins avancé ? Ce petit paragraphe, en page 305, résumé assez bien la question : "Dans les société stables, cohérentes, l'étroitesse de la personnalité avait une valeur. On pouvait se réaliser avec un seul moi. Ce n'est plus vrai aujourd'hui. Dans une société multivalente, seule une personnalité multiple peut faire l'affaire. Nous avons chacun une centaine de moi réprimés ; nous avons beau fouler à toute force le sentier étroit de notre personnalité, nous ne parvenons jamais à oublier que notre plus profond désir est d'être multiple, de jouer plusieurs rôles différents".
Il est rare de tomber sur un livre dont on se dit : "dans trente ans, je m'en souviendrai encore". Celui-ci en fait partie.
Bilan : 🌹🌹🌹