Le consentement
Ni misérabilisme ni voyeurisme (on est si loin de Christine Angot). Vanessa Springora ne s’apitoie pas sur son sort. Avec lucidité et dignité, elle expose ce qui la prédisposa à cette rencontre fatale, à cet affrontement à armes non égales (non légales). Son conditionnement au consentement. Elle croit aux contes de fées, elle confond les princes charmants avec les grands méchants loups. Elle aime jouer au docteur et ne se méfie pas de cet expert en manipulations physiques et mentales. Tout est jeu, pourquoi ne pas jouer ? Elle m’a fait penser à ces enfants soldat à qui l’on donne une mitraillette qui n’est pas en plastique. Tout est désir et raffinement, alors pourquoi ne pas en être l’objet ?
Avec un père absent et une mère complaisante, jamais la société ne fut son garde-fou. C’est en cela que ce livre est le procès d’une époque où l’on préférait fermer les yeux plutôt que d’entraver la liberté des moeurs. La pensée nauséabonde, derrière tout cela, c’est que l’art prévaut toujours sur la vie, que les Vanessa sont des victimes collatérales, des accidents nécessaires de la grande histoire littéraire. Les temps ont changé : le libertin qu’on pardonne volontiers parce qu’il est écrivain est devenu le monstre qui se cachait derrière des lettres d’une noblesse révolue. Un usurpateur. Il n’était ni bon amant (trop répétitif), ni grand écrivain (trop répétitif). Gabriel Matzneff a non seulement abusé de la crédulité de sa jeune proie (l’aveuglement de l’amour), il en a aussi fait sa chair à canon d’écriture. C’est peut-être ça le plus abject, finalement, cette exploitation assumée de la vie brisée d’autrui.
Un livre sensible et touchant qui s’affranchit des récupérations en tous genres. Un livre qui fait froid dans le dos : et toutes les autres, que sont-elles devenues ?
Bilan : 🌹🌹