Pas dans le cul aujourd'hui
Ne vous fiez pas à la poésie du titre. Il ne s’agit ni des mémoires de Brigitte Lahaie ni de l’énième opus de Christine Angot. Je ne me serais jamais intéressée à cette missive en forme de missile si ma libraire préférée ne l’avait pas recommandé, si l’auteure n’était pas une figure emblématique de l’underground pragois d’après-guerre, fille de Milena à qui Kafka destina sa correspondance.
Jana Černà se languit de son amant, Egon Bondy. Elle lui adresse cette lettre, témoignage d’une passion ignifuge, d’un amour inconditionnel dont la violence est d’autant plus forte que la liberté est en jeu. Liberté de penser et d’aimer. Car voyez-vous, en ces temps de guerre froide, une sexualité assumée est une arme (contre)-révolutionnaire.
La lettre commence par des considérations méthodologiques, une invitation à la légèreté. Jana somme son amant de se laisser aller, de chercher son inspiration dans les bars, dans ses bras, plutôt que d’aller traîner dans les bibliothèques.
Et puis, page 58, tout s’accélère, des phrases d’un érotisme torride s’enchaînent. La crudité des mots porte, outre le cri du cœur et du corps, la révolte de cette figure féministe, opposée à la complicité du stalinisme et du patriarcat, à la séparation de l’intellect et de la sexualité. C’est d’une beauté rare et nue. Quand le désir s’exprime avec une telle force, il détruit tout sur son passage, la morale et la politique. Les digues rompent.
Il faudrait que les ados à la libido naissante lisent ces quelques pages. Leur pouvoir suggestif est infiniment plus grand que les sites où ils consomment leur prêt-à-bander.
Une lettre qui restera dans les annales – évidemment.
Bilan : 🌹🌹