Mars
« Mars » est un manuel de survie à l’usage des garçons qui pâtirent d’une éducation bourgeoise et catholique (p291). Dans le genre, c’est une réussite.
L’auteur est dur, mais juste. En pratiquant son introspection au scalpel, Il agit comme un virologue infecté, désireux de devenir cobaye, par lucidité, au comble du désespoir, avec le panache et le pouvoir de celui qui n’a rien à perdre.
Atteint d’un cancer dans la fleur de l’âge, il déplore un cancer plus redoutable encore : la peur et le conformisme qui l’ont éloigné de de sa propre existence. Car dans son milieu zurichois, on proscrivait la nuance et les émotions. Ce qui méritait intérêt ou débat était par définition « compliqué » (p37), chassé des conversations par crainte de l’inconfort et de la remise en question.
Dans sa famille, les gens ne valent que par le spectacle qu’ils offrent (p69) : une misanthropie pernicieuse parce que faussement bienveillante. Les sentiments ne s’expriment pas, la sexualité est bannie et le plaisir offusque (« il se trouve que j’avais grandi au sein d’un foyer où la vie n’était pas vue d’un très bon œil : nous préférions être corrects plutôt que de vivre »).
L’auteur est conscient de son anormalité (« J’étais intelligent mais n’avais d’aptitude à rien ») ; animal à sang froid qui jamais ne trouva sa place dans le monde, au point d’accueillir la maladie comme un soulagement et le malheur, comme un remède à sa déprime.
« Mars » est exigeant, souvent éprouvant, mais sa lecture est inoubliable.
Appréciation : 🌹🌹